Développement personnel

Le body positive et le body neutrality: l'approche que nous avons de notre corps

Le body positive et le body neutrality: l'approche que nous avons de notre corps
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Enrico Reatini
La Rédaction
Psychologue spécialisé en thérapie cognitivo-comportementale
Unobravo
publié le
14.11.2024

Pendant les dernières années, le sujet de l’image corporelle a occupé un espace assez central au sein du débat entre psychologues et psychothérapeutes. Ceci reflète une prise de conscience croissante quant à l’impact que l’appréhension de son propre corps peut avoir sur le bien-être individuel.

À ce sujet, une méta-analyse réalisée en 2021 par une équipe internationale dirigée par Jake Linardon, de la Deakin University, a démontré que la « flexibilité à l’égard de l’image corporelle », c’est-à-dire la capacité à accepter nos pensées et nos sentiments à l’égard du corps, sans essayer de les changer, est liée à des nombreux processus psychologiques adaptatifs, et constitue un facteur de protection, notamment sur le sujet des troubles alimentaires, mais pas seulement.

La recherche est basée sur une sélection de 62 études publiées au cours des années précédentes et a démontré qu’une plus grande flexibilité à l’égard de l’image corporelle se corrèle à une probabilité plus faible de développer des troubles du comportement alimentaire et également des possibilités moindres de présenter des problèmes de santé mentale ; en outre, cette grande flexibilité est associée des niveaux de bien-être psychologique plus élevés.

Dans ce contexte, les mouvements sociaux tels que le body positive, existant depuis longtemps, et des approches plus récentes telles que le body neutrality attirent de plus en plus d’attention.

Ces mouvements sociaux, même s’ils présentent certaines différences et divers points critiques, visent à créer une société plus inclusive et respectueuse, où les gens parviennent à développer une relation plus saine à l’égard de leur corps.

body positive et body neutrality
Shvetsa - Pexels

Body positive et body neutrality: l’image corporelle et les mouvements sociaux

Qu’est-ce que le body positive ? Comme mentionné précédemment, le terme body positive ne fait pas référence à une construction théorique spécifique, mais à un mouvement social avec une histoire qui n’est pas linéaire mais qui est bien définie.

Dans les années 60 et 70 du dernier siècle, le Fat Acceptance Movement est né aux États-Unis en réponse à la croissante pression sociale et médiatique qui stigmatisait les personnes atteintes de surpoids.

En 1969, ce mouvement a donné naissance à la National Association to Advance Fat Acceptance (NAAFA), une organisation en lutte contre la discrimination axée sur la corpulence. 

Dans les années 90 et 2000, le mouvement a commencé à évoluer, ouvrant davantage la voie à l’acceptation et à l’appréciation de tous les corps, quelle que soit la raison pour laquelle ils étaient méprisés ou sous-représentés.

Pendant cette période, le terme « body positivity » a commencé à s’utiliser plus fréquemment et à devenir plus visible dans le monde de la mode, du divertissement et des réseaux sociaux.

Actuellement, le mouvement body positive a élargi son domaine d’action et promeut des valeurs telles que l’acceptation et l’appréciation de tous types de corps, visant à construire une culture où les personnes parviennent à se sentir sûres de soi et fières de leur aspect, sans avoir à adhérer à des normes qui ne leur correspondent pas. 

Récemment, une analyse proposée par Cohen et al. pour la revue spécialisée Body Image a examiné 640 posts Instagram sélectionnés parmi des comptes vérifiés d'influenceurs du mouvement body positive.

Cette analyse montre que :

  • les posts dans les profils body positive contiennent normalement des images de personnes avec des traits ou des tailles corporelles qui sont souvent sous-représentées dans les comptes traditionnels ;
  • il existe une importante cohérence entre les objectifs proposés par le mouvement et ses actions, ce qui donne également des indices quant à l’utilité de ce type de profils.

Body neutrality vs body positivity: différences

Cependant, toute médaille a son revers et le body positive peut parfois ajouter une pression supplémentaire liée à l'injonction de devoir aimer constamment son corps.

Par conséquent, pendant la dernière décennie, un nouveau mouvement social défini comme « body neutrality » a commencé à prendre forme.

Ce mouvement se focalise sur l'acceptation du corps pour ses capacités et ses fonctionnalités, se dissociant de la notion du besoin de s'aimer ou de s’applaudir.

En fait, tandis que le body positive vise à atteindre l’amour de notre propre physique, le body neutrality offre une manière plus réaliste de vivre en paix avec notre propre corps, à travers la reconnaissance et l’acceptation de sa fonctionnalité.

L’impact psychologique du body positive: des bénéfices potentiels aux critiques

Le body positive est un mouvement très influent qui contribue à changer la manière dont la société perçoit la beauté et l’acceptation du corps. Pendant les dernières années, le mouvement a gagné en popularité dans les réseaux sociaux, suscitant à la fois des éloges et des critiques, jusqu’au point d’être considéré comme une vraie tendance.

Heleen van der Tuuk, de la Tilburg University, souligne les éventuels avantages et inconvénients du body positive en tant que tendance sociale.

D’après les recherches, même s’il peut s’avérer que l’exposition à des images de body positivity entraîne divers bénéfices, tels que l’amélioration de l’estime de soi, elle peut aussi, paradoxalement, pousser certaines personnes à objectiver encore plus leurs corps.

Certaines analyses comme celles mentionnées ci-dessus ont montré qu’il peut s'avérer très complexe de quantifier et qualifier l’impact d’un mouvement social aussi répandu sur la base d’une variable psychologique.

Par conséquent, face à un sujet si controversé, il n’est pas surprenant que, d’un côté, certaines études affirment que le mouvement body positive a un impact positif, tandis que d’autres se focalisent principalement sur ses importants points critiques.

Par exemple, une étude réalisée par Vendemia et Robinson en 2022 a démontré que le fait d’encourager les gens à valoriser et à accepter leurs corps sans adhérer à des normes esthétiques irréalistes peut améliorer l’estime de soi et diminuer les sentiments d’insécurité et d’inadéquation.

Tandis que, dans une analyse réalisée par Tylka et Wood-Barcalow en 2015, on met en évidence la valeur protectrice de l’acceptation corporelle. En fait, les personnes pratiquant le body positivity ont une probabilité moins élevée de souffrir de troubles alimentaires et d’adopter des comportements alimentaires nuisibles.

Finalement, une étude exploratoire publiée dans Sex Roles révèle que l’exposition à des images réalistes de corps dans les médias est associée à une satisfaction corporelle plus élevée et à une perception plus positive de notre propre corps.

Néanmoins, en même temps, d’autres études, telles que celle réalisée par Legault et Sago en 2022, ont évalué que, malgré ses mérites, le mouvement body positive peut donner lieu à des nouvelles formes de pression psychologique.

Parmi les formes de pression, on trouve celle de devoir toujours adopter une attitude positive à l’égard de son corps. Cet effet, qui constitue l’une des critiques les plus répandues parmi les détracteurs du body positivity, peut s’avérer problématique pour les personnes qui font face à des problèmes d’image corporelle et trouvent difficile de s’aimer de manière inconditionnelle.

En fait, du point de vue cognitif, cet idéal prend le risque de renforcer l’idée illogique qu'il existe une corrélation directe entre l’image reflétée par le miroir et le bonheur.

Le body positive est également critiqué en raison du risque qu’il présente de minimiser voire d’ignorer les problèmes de santé liés au surpoids et à l'obésité. En 2020, l’expert en maladies cardiovasculaires Mc Worther a exprimé sa préoccupation concernant le fait que le mouvement pourrait influencer négativement la manière dont les interventions médicales et de santé publique nécessaires pour faire face à l’obésité seraient perçues.

body positivity
Polina Tankilevitch - Pexels

Body positive et body shaming: la dynamique du groupe nous protège

Malgré les critiques, le body positive a l’énorme mérite de constituer un rempart essentiel dans la lutte contre le body shaming.

Le body shaming, ou la pratique de critiquer ou de ridiculiser quelqu’un en raison de son aspect physique, peut avoir des conséquences psychologiques sévères, telles que la faible estime de soi, la dépression et les troubles alimentaires.

Un article de 2022, publié dans le International Journal of Academic Research in Business and Social Sciences, a révélé que les adolescents victimes du body shaming sont plus enclins à développer des symptômes dépressifs et des problèmes d’estime de soi.

De plus, le body shaming perpétue des stéréotypes négatifs et contribue à la discrimination basée sur l’aspect physique, ceci ayant un impact sur les opportunités sociales, éducatives et professionnelles des personnes qui en sont victimes.

En fait, une étude publiée dans le International Journal Of Community Medicine And Public Health affirme que le body shaming influence de manière directe la perception sociale et les opportunités économiques des victimes.

Dans ce contexte, la lutte constante du body positive pour protéger le droit humain de pouvoir se sentir fier de son propre corps, peut produire un impact positif et direct dans la société à l’égard d’un problème si répandu. Même s’il s’agit d’une réponse occasionnelle à ce phénomène, celle-ci n’est pas la seule possibilité.

La réponse du body neutrality

Le mouvement body neutrality est de plus en plus considéré comme une alternative au body positivity.

Une étude de 2024 publiée dans Body Image démontre que les personnes qui pratiquent le body neutrality affirment ressentir une plus grande satisfaction à l’égard de leur corps que celles qui essaient de maintenir constamment une attitude positive quant à leur physionomie. 

En fait, le body neutrality invite les personnes à déplacer leur attention de l’aspect physique du corps vers ses capacités et sur le ressenti de ses capacités, réduisant ainsi l’importance de l’aspect physique au sein de la définition de la valeur personnelle.

Adopter une attitude neutre à l'égard du corps ne s’avère pas seulement moins stressant pour les personnes qui le mettent en pratique, mais maintient également de nombreux avantages obtenus à travers l’attitude body positive.

Une étude précédente, publiée dans Body Image en 2023, a montré que la pratique du body neutrality peut réduire l’anxiété associée à l’aspect physique et diminuer l’obsession à l’égard du corps. En même temps, la recherche mentionnée précédemment de Tylka et Wood-Barcalow (2015) a montré que, dans un groupe expérimental, l’adoption d’une attitude neutre à l’égard du corps a été associée à des niveaux d’estime de soi plus élevés.

Pourtant, le body neutrality présente un énorme point critique. Il exige effectivement un niveau élevé d’acceptation du corps qui peut s'avérer difficile à atteindre sans le soutien psychologique nécessaire. L’attitude neutre prend donc le risque d’être irréalisable précisément pour les personnes pour lesquelles elle est recommandée.

Dans ce sens, il est important de souligner encore une fois que le body positive et le body neutrality sont des mouvements sociaux, avec tous les avantages et les limites que cela comporte.

Tous les deux sont fondamentaux pour transmettre des messages positifs, mais il est essentiel d’avoir parfaitement conscience de ce qu’ils recouvrent. En fait, ces mouvements ne peuvent pas être considérés comme une réponse adéquate et suffisante pour faire face aux problèmes individuels liés à l’image corporelle.

mouvement social body positive
Jennifer Enujiugha - Pexels

Body positivity et body neutrality: histoires modèle

Indépendamment du courant de référence, les films et les livres ont joué et continuent à jouer un rôle essentiel dans la diffusion de messages d’acceptation du corps.

Une étude réalisée par Hefner et al. pour Media Psychology démontre que l’exposition à divers types de représentation corporelle à la télévision peut avoir une influence sur l’estime de soi et la satisfaction des spectateurs.

En effet, les histoires racontées à travers ces médias ont le pouvoir d’influencer négativement ou positivement la perception du public à l’égard du corps et de l’estime de soi.

Dans cette optique, nous présentons ensuite une brève sélection d'œuvres qui, libres d’idées préconçues, reflètent et promeuvent des valeurs d'acceptation de notre unicité.

Le cinéma et l’acceptation du corps

Certains films qui promeuvent le body positive sont :

Little Miss Sunshine (2006). Réalisé par Jonathan Dayton et Valerie Faris, le film est une comédie dramatique qui raconte l’histoire d’une famille en voyage aux États-Unis pour emmener la jeune Olive à un concours de beauté pour enfants. Le film contient de forts messages sur le body positive et critique les standards de beauté imposés par la société.

The Greatest Showman (2017). Réalisé par Michael Gracey, ce film musical est devenu un phénomène culturel pas seulement en raison de sa musique captivante et ses chorégraphies spectaculaires, mais aussi en raison de ses messages d’inclusivité et d’acceptation. Inspiré de la vie du fameux fondateur du cirque P.T. Barnum, le film célèbre la diversité et promeut le body positive à travers des personnages uniques et extraordinaires.

La littérature et l’acceptation du corps

Au-delà des contenus en ligne dans des blogs et des réseaux sociaux sur le body positive, la littérature a aussi traité le sujet de manière plus ou moins directe. Voici quelques titres à souligner :

Hunger: Une histoire de mon corps de Roxane Gay (2017). Cette autobiographie est une réflexion intense et sincère de l'expérience personnelle que l'auteure a avec son corps, la nourriture et la société. Le livre offre un récit puissant entrelaçant des thèmes sur l'acceptation de soi, ainsi qu’une vision personnelle et touchante des problèmes associés à l’image corporelle.

L’art de la joie de Goliarda Sapienza (1998), un livre qui, même s’il ne traite pas directement le sujet du body positivity, offre un fort message de liberté, d’autodétermination et d’acceptation de soi, en résonance avec les principes du mouvement. L’histoire de la protagoniste Modesta explore la vie d’une femme qui défie les normes sociales et essaye de vivre de manière autentique, constituant un exemple de l’empowerment féminin et de l’acceptation du corps.

Bibliographie

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  • Cohen, R., Irwin, L., Newton-John, T., & Slater, A. (2019). # bodypositivity: A content analysis of body positive accounts on Instagram. Body image, 29, 47-57.
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  • Van der Tuuk, H. (2023). The Impact of Body Positivity on Self-Compassion: Exploring the Mediating Role of Self-Objectification.
  • Vendemia, M. A., & Robinson, M. J. (2022). Promoting body positivity through stories: How protagonist body size and esteem influence readers’ self-concepts. Body Image, 42, 315-326.

Bibliografia

Ce contenu est fourni à des fins d'information uniquement et ne peut pas remplacer le diagnostic d'un professionnel. Article révisé par notre rédaction clinique

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