Psychologie de l’enfant

La théorie de l’esprit

La théorie de l’esprit
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Candida Parlato
La Rédaction
Psychothérapeute spécialisée en thérapie phénoménologique
Unobravo
Article révisé par notre rédaction clinique
publié le
28.11.2024
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D’après la psychologie du développement, la théorie de l’esprit est une compétence fondamentale pour la vie sociale. Il s’agit de la capacité à comprendre et à envisager le comportement sur la base de la compréhension des états mentaux (intentions, émotions, désirs, croyances), internes et externes.

Cette capacité est favorisée dans certaines approches thérapeutiques telles que la thérapie basée sur la mentalisation (MBT, de l’anglais Mentalization Based Therapy), utile notamment pour le suivi thérapeutique des traumatismes préexistants du patient et l’intégration des expériences du passé de façon adaptative.

Pendant les années 80, la publication de recherches des chercheurs Wimmer et Perner a donné lieu à une riche série d’études sur le développement de la théorie de l’esprit à l’âge du développement. Ces travaux ont permis de perfectionner plusieurs versions de l’épreuve de fausse croyance (false-belief task), devenue une expérience incontournable dans l’étude de la théorie de l’esprit.

tom théorie de l'esprit
Tachina Lee - Unsplash

Qu’est-ce que la théorie de l’esprit ?

La théorie de l’esprit, définie également comme ToM (de l’anglais, Theory of Mind), est la capacité à identifier et à interpréter les états mentaux des autres pour, en fonction de ceux-ci, adopter son propre comportement et celui des autres. Cette capacité permet de comprendre que les autres peuvent avoir des pensées, croyances et intentions différentes.

La théorie de l’esprit est un aspect fondamental dans la gestion des interactions sociales et de la communication avec les autres. C’est pourquoi, elle a été étudiée dans plusieurs contextes comme la psychologie du développement, la psychologie de l’enfant et la neuropsychologie.

La théorie de l’esprit permet de renforcer de nombreuses capacités et processus cognitifs des individus. On peut souligner notamment le rapport entre :

  • La théorie de l’esprit et la cognition sociale, en ce qui concerne l’activité mentale utile à prendre conscience du monde social.
  • La théorie de l’esprit et la mentalisation, c’est-à-dire l’habileté complexe impliquant la compréhension des émotions et la régulation émotionnelle.
  • La théorie de l’esprit et la métacognition, ou la capacité à réfléchir sur ses propres processus mentaux.
  • La théorie de l’esprit et l’empathie, c’est-à-dire la capacité à comprendre et à partager les états émotionnels des autres.

L’évolution des études sur la théorie de l’esprit

Les psychologues Premack et Woodruff sont considérés comme les auteurs de la théorie de l’esprit (1978). Mais, depuis le début du XXe siècle jusqu'à aujourd'hui, de nombreux experts ont contribué au développement des recherches sur la théorie de l’esprit :

  • Jean Piaget est considéré comme l’un des précurseurs de la théorie de l’esprit. Par ses travaux sur le développement et les transformations cognitives, il a posé les bases des recherches qui ont suivi.
  • Peter Fonagy a parlé de l’attachement et de la fonction réflexive, en supposant une meilleure mentalisation chez l’enfant ayant développé un style d’attachement sécure envers ses parents. 
  • Jerome Bruner a démontré que la capacité à comprendre les histoires est étroitement liée à la capacité à percevoir l’intention et les désirs des autres (des éléments clés de la théorie de l’esprit).
  • Henry Wellman est un des chercheurs les plus influents dans l’étude de la théorie de l’esprit. Il a démontré que déjà à partir des 2-3 ans, les enfants commencent à comprendre que les personnes agissent en fonction de leurs croyances et désirs. 
  • Simon Baron-Cohen, en revanche, a contribué à la théorie de l’esprit dans le domaine des troubles du spectre autistique et a développé le Test de Sally et Anne.

À quoi sert la théorie de l’esprit ?

La théorie de l’esprit s’avère fondamentale dans les relations et interactions avec les autres, ainsi que dans le processus d’adaptation environnementale. En particulier, les fonctions de la théorie de l’esprit s’appliquent à la communication, qui est à la base de nos habiletés sociales, car elle permet de percevoir les intentions réelles et implicites cachées dans un message.

L’empathie ainsi que la capacité à interpréter les nuances de la communication non verbale et paraverbale, jouent un rôle essentiel pour parvenir à une compréhension approfondie de l’interlocuteur.

La méta-représentation

Utiliser la théorie de l’esprit signifie effectuer un processus de méta-représentation des états mentaux. Le comportement humain est guidé par :

  • la connaissance de la réalité,
  • un contrôle métacognitif, ayant pour outil la pensée récursive.

La pensée récursive implique la méta-représentation, c’est-à-dire la capacité de représenter une représentation mentale. Par exemple :

  • je pense (je crois) que tu penses
  • je pense (je crois) que tu souhaites
  • je pense (je crois) que tu ressentes

Théorie de l’esprit « froide » et « chaude »

Chez l’enfant, la mentalisation est assistée par l’interaction avec les adultes. Les variables qui contribuent spécialement au développement de cette capacité sont notamment :

  • l’attention partagée,c’est-à-dire la focalisation de l’attention sur la même chose,
  • l’imitation faciale, impliquant l’imitation de la mimique faciale,
  • les jeux de fiction, faisant référence à la simulation de jeux entre l’adulte et l’enfant.

La théorie de l’esprit est basée sur les ressources cognitives personnelles et les capacités relationnelles, c’est pourquoi elle peut être plus développée chez certains individus.

En fonction des cas, la capacité peut être utilisée dans le but de manipuler (par exemple, pour tromper, chez le manipulateur affectif), prenant donc le nom de Théorie de l’esprit « froide », ou dans le but d’atteindre des objectifs de bien-être social (par exemple, pour interpréter des sentiments et des émotions), prenant ainsi le nom de Théorie de l’esprit « chaude ».

théorie de l'esprit chez l'enfant
Ashton Bingham - Unsplash

La théorie de l’esprit chez l’enfant

La théorie de l’esprit, quand est-elle développée ? Grâce à des comportements tels que le jeu symbolique, la théorie de l’esprit commence à se manifester chez l’enfant déjà vers l’âge de 18 mois et devient plus sophistiquée vers l’âge de 4 ans. Lors de cette période et en raison des neurones miroirs, les enfants, en interagissant avec les adultes, apprennent à attribuer aux autres des états mentaux différents des siens.

Chez l’enfant, la théorie de l’esprit s’avère fondamentale afin de développer la flexibilité nécessaire pour affronter des situations diverses. En prévoyant le comportement des adultes, l’enfant établit des attentes qui l’aident à adapter son comportement aux prédictions comportementales faites sur l’adulte. 

En présence de certaines conditions, on peut trouver un déficit de la théorie de l’esprit chez l’enfant. Par exemple, dans le cas de l’autisme, le développement de la théorie de l’esprit peut être entravé par des difficultés à comprendre et interpréter les états mentaux, qu’il s’agisse des siens ou de ceux des autres.

Le geste performatif de demande

Dans les échanges de communication entre l'enfant et la personne qui s'occupe de lui, les relations bidirectionnelles cèdent la place à des séquences définies comme triadiques (enfant - personne qui s’occupe de lui - objet) à partir des 6 mois, et le langage adopte initialement une fonction impérative ou de demande.

Par exemple, l’enfant pointe un objet éloigné ou alterne le regard entre l’objet et l’adulte afin de lui indiquer qu’il doit regarder dans celle direction là, prendre l’objet et lui amener : il s’agit d’un geste performatif de demande.

Le geste performatif déclaratif 

Entre les 11 et 14 mois, on assiste à un changement significatif : l’enfant utilise toujours le geste de pointer, pourtant il l’utilise afin d’attirer l’attention de l’adulte vers quelque chose qu’il considère intéressante, c’est-à-dire il est motivé par le plaisir de partager avec quelqu’un l’intérêt vers un élément de la réalité. Celui-ci est défini comme un geste performatif déclaratif.

La finalité du geste change ; il n’est plus utilisé seulement pour agir mécaniquement sur l’autre personne, mais aussi pour influencer son état mental.

Outils pour mettre à l'épreuve la théorie de l’esprit

Un déficit du développement de la théorie de l’esprit, ou un dysfonctionnement dans certains cas, se retrouve dans diverses psychopathologies et anomalies du comportement, notamment :

Dans le domaine clinique, il existe une série de tests, pouvant également être soumis aux adultes, pour évaluer la théorie de l’esprit et son développement :

  • L’épreuve de la fausse croyance (false-belief task) est la plus utilisée, spécialement dans les cas d’autisme et de schizophrénie. Le but de cette épreuve est de vérifier la capacité d’un individu à prédire un état mental, voire un comportement, d’un individu en agissant sur la base d’une fausse croyance.
  • La tâche des yeux (eye test), basée sur l’observation du regard.
  • Theory of Mind Picture Sequencing Task, basée sur 6 histoires, chacune d’entre elles est composée par 4 vignettes qu’il faut réorganiser en fonction d’une logique.

En cas de déficit, comment peut-on renforcer la théorie de l’esprit ?

Il existe des jeux pour développer la théorie de l’esprit qui peuvent aider les enfants à améliorer leurs capacités, à travers l’utilisation de la créativité et de la fantaisie. Il s’agit de jeux symboliques, comme celui du docteur, où l’enfant utilise des objets réels pour créer des situations imaginaires.

tom psychologie du développement
Saeed Karimi - Unsplash

L’épreuve de la fausse croyance

Le but de l’épreuve de la fausse croyance est de vérifier le développement de la théorie de l’esprit chez l’enfant. On lui demande de prédire comment agira le personnage principal d’une histoire, en prenant en compte la fausse croyance de celui-ci et non seulement les données réelles à sa disposition.

Dans la version du déplacement inattendu, connu sous le nom de Test de Sally et Anne, l’enfant doit prédire où Sally, le personnage principal de l’histoire, va chercher un objet qu’elle a initialement placé dans un conteneur mais qu’Anne, l’autre personnage, a ensuite déplacé dans un autre, sans qu’elle le sache.

Afin de résoudre cette sorte d’épreuve, l’enfant doit :

  • suspendre sa connaissance de la réalité,
  • adopter la perspective de l’autre personne,
  • représenter le contenu de son esprit, c’est-à-dire une croyance erronée par rapport à la réalité, afin de prédire avec précision comment l’autre personne agira en fonction de sa propre fausse croyance.

Livres sur la théorie de l’esprit

La théorie de l’esprit peut s’avérer très utile dans le domaine éducatif et dans le domaine didactique. Voici quelques conseils de lecture :

Bibliografia
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