Santé mentale

L’impact psychologique du cancer du sein

L’impact psychologique du cancer du sein
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Enrico Reatini
La Rédaction
Psychologue spécialisé en thérapie cognitivo-comportementale
Unobravo
publié le
15.10.2024

Imaginer comment nous serons dans le futur, planifier nos activités ou fantasmer sur l’avenir sont des gestes quotidiens qui nous guident et donnent du sens à notre vie.

Mais certains événements peuvent interrompre ce flux et causer une fracture entre nos projets et notre réalité.

Lorsque la vie fait un tournant inattendu, nos plans peuvent s’interrompre soudainement, entraînant une avalanche d’incertitudes, de peurs et de préoccupations. Dans ce sens, recevoir un diagnostic de cancer peut représenter un moment où il s’avère extrêmement complexe de penser à la possibilité de réorganiser notre vie.

Dans ce cadre, le cancer du sein, une des tumeurs les plus courantes chez les femmes, n’influence que la santé physique, mais peut également impacter significativement la sphère émotionnelle et psychologique de la personne ayant reçu le diagnostic.

Recevoir le diagnostic de cancer du sein

Le diagnostic et les thérapies liées au cancer du sein peuvent provoquer une série de réactions émotionnelles intenses, telles que la peur, l’anxiété et la dépression, pouvant persister même après la fin du traitement et comporter une dégradation de la qualité de vie.

Le dit impact psychologique est démontré par de nombreuses études explorant les expériences des patientes et les problèmes émotionnels pendant et après le parcours thérapeutique.

Les femmes recevant un diagnostic de cancer du sein peuvent se sentir envahies par la peur du futur, les préoccupations liées aux traitements invasifs et l’éventuelle altération de leur image corporelle.

Une publication de l’University of Vermont (Compas et al., 2002) souligne que les femmes atteintes de cancer du sein manifestent souvent des niveaux élevés de stress et des symptômes dépressifs pendant et après le traitement, ce qui a un impact significatif dans leur bien-être général.

Parallèlement, les auteurs soulignent que le soutien psychosocial constitue une ressource fondamentale pour les patientes. Les ressources psychosociales adéquates peuvent sans doute faire une différence substantielle dans leur processus d’adaptation et dans la protection de leur qualité de vie.

Dans ce contexte, la psycho-oncologie est née comme une discipline capable d’offrir une aide précise. En fait, la psycho-oncologie s’occupe de comprendre et de gérer les défis émotionnels liés au cancer, afin de pouvoir fournir du soutien psychologique et faciliter le développement de stratégies de coping efficaces.

Les interventions psycho-oncologiques peuvent aider les patientes à réduire les symptômes, améliorer leur qualité de vie, contribuer à une réorganisation positive de leur vie quotidienne malgré les problèmes, et faciliter l’acceptation des traitements.

En d’autres termes, comme souligné par Jassim et al. (2023), le but de la psycho-oncologie est celui d’améliorer le bien-être psychologique et de favoriser une meilleure capacité d’affronter les défis que la maladie entraîne.

Impact psychologique d'un diagnostic de cancer du sein
Liza Summer - Pexels

Cancer du sein : après le diagnostic

Faire face à un diagnostic de cancer est une expérience complexe et personnelle. En effet, il s'agit de l'un de ces événements qui nous rappellent qu'il est impossible de concevoir une carte réaliste, précise et détaillée de la manière dont nous traversons la douleur.

Il existe de nombreux facteurs influençant la forme dont les personnes affrontent un diagnostic, tels que la personnalité, le soutien familial et social, leur histoire personnelle, l’histoire liée à la maladie, les antécédents et les caractéristiques spécifiques de la tumeur.

Chaque personne vit cette expérience à sa manière et, précisément pour cette raison, il n’existe pas de réactions bonnes ou mauvaises.

Cependant, il existe des réponses courantes expérimentées par de nombreux patients face à un diagnostic de cancer. Comme souligné par certaines études, la confrontation à un diagnostic de cancer entraîne des sentiments tels que l’incertitude, la peur et le stress.

Au début, la peur de la mort prédomine. Pourtant, il existe aujourd'hui de nombreuses options de traitement qui augmentent les chances de guérison. Néanmoins, avec le temps, les patientes commencent également à s'inquiéter d'autres aspects : la douleur, les changements physiques provoqués par la maladie ou les thérapies, ainsi que l'impact que cela peut avoir sur leur vie quotidienne, sociale et professionnelle.

Les perceptions et les émotions individuelles peuvent osciller entre l’incrédulité et la peur, les sentiments de colère, d’anxiété ou d’isolement, pour enfin arriver à une phase d’acceptation. À partir de ce moment-là, les personnes commencent à affronter la situation de manière plus rationnelle et à chercher la façon de vivre avec la nouvelle réalité.

Cancer, anxiété et dépression

Tous les cas ne traversent pas les mêmes étapes, ni sont expérimentés de la même façon. Une étude réalisée par Graça Cardoso et al. (2015), publiée dans la revue scientifique Psychology, health & medicine offre davantage de détails à ce sujet.

L’étude a analysé les symptômes de la dépression et de l’anxiété chez 270 patients diagnostiqués de cancer avant de commencer la chimiothérapie et a révélé que 30 % des patients manifestait des niveaux élevés d’anxiété et 24,1 %, des niveaux élevés de dépression.

Cette même année, une étude (Cook et al., 2015) a analysé en profondeur un aspect essentiel de ces données : le rôle des croyances métacognitives dans l’entretien et l’aggravation du stress négatif ou distress émotionnel.

Cette étude, publiée dans Health Psychology, a examiné les croyances métacognitives dysfonctionnelles, c'est-à-dire les convictions qui influencent négativement la manière dont les personnes gèrent leurs pensées et leurs émotions, ainsi que les symptômes d'anxiété, de dépression et de trouble de stress post-traumatique (TSPT) chez les patients atteints de cancer.

Plus de 200 patients récemment diagnostiqués de cancer du sein ou de prostate ont participé à l’étude, qui a prouvé que les patients se préoccupant de manière obsessionnelle par leur maladie ou les conséquences futures, expérimentent souvent des symptômes d’anxiété et de dépression plus intenses.

Soutien psychologique dans un diagnostic de cancer du sein
Thirdman - Pexels

Une des découvertes les plus pertinentes de cette étude a été l’identification du rôle de la préoccupation en tant que médiateur. Les personnes convaincues que les préoccupations sont hors de leur contrôle ont tendance, effectivement, à rester bloquées dans un état d’alerte constant, rendant encore plus difficile le traitement et l’acceptation de la maladie. 

Cependant, ce contexte de distress émotionnel n’exclut pas la possibilité d’une expérience positive, connue sous le nom de croissance post-traumatique. Cette terminologie fait référence au phénomène permettant aux personnes, malgré les difficultés et les traumatismes expérimentés, de réussir à trouver de nouveaux sens positifs dans leur vie.

Les auteurs Tedeschi et Calhoun (2004) ont développé ce concept, à partir de l’idée centrale que les traumatismes peuvent conduire à une restructuration de la vie et de la perception de soi, donnant lieu à une nouvelle force intérieure et à un sentiment de gratitude qui contribue à améliorer la qualité de vie malgré les adversités.

Le soutien psychologique pendant le traitement

Faire face à un diagnostic de cancer du sein et aux traitements successifs s’avère un défis complexe et stressant, ayant un impact significatif sur le bien-être psychologique des patients.

Dans ce contexte, il est essentiel d’avoir un soutien social et psychologique adéquat.

Déjà en 1996, une étude (McArdle et al.) a analysé l’impact du soutien psychologique chez les patientes ayant subi une intervention chirurgicale en raison d’un cancer du sein et ayant reçu divers types de soutien psychosocial. Les résultats ont démontré que tous les types de soutien psychologique étaient associés à une amélioration du bien-être psychosocial des patientes, comparé au groupe de contrôle.

Une récente étude bibliographique (Hulbert-Williams et al., 2018) a examiné l’efficacité de plusieurs approches pour les patients oncologiques. L’étude bibliographique a prouvé que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) continue à être une des approches les plus efficaces pour fournir du soutien psychologique dans le domaine de l’oncologie.

L’étude met également l’accent sur les résultats prometteurs des nouvelles approches, telles que la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT, de l’anglais Acceptance and Commitment Therapy) et la thérapie métacognitive. De plus, des résultats sur les bénéfices de la pleine conscience ont été aussi observés, bien qu’il soit encore nécessaire de continuer à évaluer son efficacité dans ce contexte.

Indépendamment du type de traitement, il est important de souligner que, lors d’une situation très significative émotionnellement, avoir accès au plus grand nombre de stratégies de coping possibles est fondamental.

L’étude intitulée Coping strategies, quality of life and pain in women with breast cancer (Khalili et al., 2013) offre une vision importante de comment les femmes atteintes de cancer du sein affrontent le traitement et de comment cela influence leur qualité de vie et la douleur qu’elles ressentent.

L’étude permet d’observer que les femmes adoptant des stratégies focalisées sur l’affrontement des problèmes, telles que l’acceptation et la planification, ont tendance à expérimenter une meilleure qualité de vie. Par exemple, accepter la maladie et planifier à l’avance comment on va gérer les problèmes quotidiens liés à la douleur aide à réduire le stress et à améliorer l’adaptation à la condition. 

L'affrontement du cancer du sein
Thirdman - Pexels

Les stratégies de coping basées sur la religion et sur la reformulation positive se sont également avérées efficaces pour fournir du soutien émotionnel et du sens pendant la maladie, contribuant à une perception plus positive de la vie.

En revanche, on a démontré que les stratégies focalisées sur les émotions, telles que l’auto-distraction et la négation, ont un impact différent. L’auto-distraction, incluant des activités telles que regarder la télévision ou lire un livre, peut dévier temporairement l’attention de la douleur.

Néanmoins, le déni, qui consiste à éviter de faire face à la maladie directement, entraîne souvent une plus grande interférence dans la vie quotidienne et une dégradation de la qualité de vie. Par exemple, les femmes qui utilisent le déni ont tendance à ne pas gérer adéquatement la douleur et les sentiments associés, ce qui met davantage en danger leur capacité à participer à des activités sociales et professionnelles.

Les implications de ces résultats pour la pratique clinique sont claires. Il est essentiel de personnaliser les stratégies de coping en fonction des besoins individuels de chaque patient.

Une étude récente (Samami et al., 2020) a analysé l’efficacité d’un programme de soutien spécifique pour améliorer les stratégies de coping et réduire le stress des femmes diagnostiquées de cancer du sein.

Soixante femmes ont participé à l’étude, divisées en deux groupes : un groupe d’intervention, exposé à une formation sur le cancer du sein, la relaxation musculaire progressive, la gestion du stress, les stratégies de coping émotionnel et la résolution de problèmes, et un groupe de contrôle qui ne participait pas aux programmes de soutien.

À la fin du protocole d’intervention, le groupe d’intervention a montré une augmentation significative des stratégies de coping orientées à la résolution de problèmes et une diminution des niveaux de stress par rapport au groupe de contrôle.

Retour à la normalité après le cancer

Après le traitement du cancer du sein, de nombreuses patientes font face à une période complexe se caractérisant par une grande variété d’émotions, d’espoirs et de préoccupations.

D’un côté, le rêve de pouvoir reprendre leur vie là où elle s'est arrêtée est confronté à une réalité différente et, d’un autre côté, les préoccupations concernant les révisions médicales futures risquent de devenir un élément central.

Une étude de 2023 (Nardin et al.), publiée dans Frontiers in Oncology, montre que l'amélioration du pronostic du cancer du sein, avec un taux de survie atteignant 90 % à 5 ans et environ 80 % à 10 ans, a entraîné un besoin accru de gestion des complications à long terme et d'amélioration de la qualité de vie après traitement.

L’étude suggère qu’une approche intégrée combinant le soutien psychologique et les interventions pour la gestion du style de vie, telles que l’exercice physique et les techniques de relaxation, peut être particulièrement utile pour améliorer le bien-être à long terme des patientes.

Retour à la vie normale après le cancer du sein
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Le contexte social

Le soutien de la famille peut influencer positivement la qualité de vie des femmes atteintes de cancer du sein et souligner l’importance d’affronter les besoins psychologiques aussi bien des patientes que des membres de la famille.

La dépression est une des comorbidités les plus courantes chez les patientes atteintes de cancer du sein. Une étude publiée sur Neuropsychiatric Disease and Treatment (Su et al., 2017) a révélé qu’environ 8,33 % des patientes souffre d’un trouble de dépression majeure.

Les résultats de l’étude indiquent que le soutien familial peut jouer un rôle de protection significatif. Les patientes bénéficiant d’un plus grand soutien de leur famille ont tendance à avoir un risque plus faible de dépression. Cela suggère qu’un fort soutien des personnes qui sont chères aux patients ne les aide pas uniquement à être plus résilientes, mais améliore aussi la gestion de la maladie en général.

Le soutien de la famille va au-delà de l’aspect émotionnel et inclut également le besoin de recevoir des informations et de l’aide pratique. L’étude bibliographique de Schmid-Büchi et al. (2008) a prouvé que les membres de la famille, de même que les patientes, font face à des défis importants.

Particulièrement, d’un côté, les patientes doivent gérer des symptômes physiques tels que l'épuisement et les changements corporels, ainsi que l’anxiété et la peur de la rechute. D’un autre côté, les membres de la famille doivent faire face au stress et aux préoccupations liées à la condition de la patiente. Tous les deux ont besoin d’informations détaillées et de soutien émotionnel pour affronter ces problèmes.

Le modèle de soutien familial proposé fait référence à l’importance de favoriser une communication ouverte et honnête, et un soutien émotionnel constant. Le but est de satisfaire les besoins particuliers de chaque membre de la famille afin d’améliorer l’efficacité du traitement et la satisfaction en général.

Du diagnostic à la guérison

Le diagnostic d’une tumeur requiert une phase de réorganisation de la vie de la personne. Cette perspective permet de voir le processus de guérison du cancer du sein, plutôt que comme une bataille contre la maladie, comme un événement plus équilibré, bien qu’il s'agisse d’un processus extrêmement délicat et complexe.

Cette approche permet de dévier l’attention envers le bien-être général de la personne et de mettre l’accent sur l’importance des soins personnels et des relations personnelles. Il ne s’agit pas uniquement d’une question de rétablissement physique, mais aussi de bien-être mental et relationnel. Dans ce contexte, le soutien d’un professionnel de la santé mentale, tel qu’un psychologue en ligne, peut faire la différence et accompagner le patient tout au long de son processus de guérison.

Le cancer du sein chez les hommes

Bien que le cancer du sein soit principalement associé aux femmes, les hommes peuvent également être touchés par cette maladie, même si cela reste rare. Environ 1 % des cas de cancer du sein concernent des hommes. Ces derniers possèdent du tissu mammaire, et bien que beaucoup moins développés que chez les femmes, ce tissu peut devenir cancéreux.

Le diagnostic de cancer du sein chez les hommes peut entraîner un impact psychologique similaire à celui observé chez les femmes, avec des sentiments d'incertitude, de peur et d'isolement. En outre, les hommes peuvent faire face à des défis spécifiques liés à la stigmatisation et au manque de sensibilisation sur le sujet, ce qui peut retarder le diagnostic et limiter l'accès au soutien psychosocial approprié.

Le traitement est généralement similaire à celui des femmes, mais il est crucial de sensibiliser davantage à cette forme rare de cancer pour que les hommes soient également pris en charge rapidement et adéquatement.

Bibliographie

  • Cardoso, G., et al. (2016). Depression and anxiety symptoms following cancer diagnosis: a cross-sectional study. Psychology, health & medicine, 21(5), 562-570
  • Compas, B. E., & Luecken, L. (2002). Psychological adjustment to breast cancer. Current directions in psychological science, 11(3), 111-114
  • Jassim, G. A., et al. (2023). Psychological interventions for women with non‐metastatic breast cancer. Cochrane Database of Systematic Reviews, (1)
  • Cook, S. A., et al. (2015). The association of metacognitive beliefs with emotional distress after diagnosis of cancer. Health psychology, 34(3), 207
  • Hulbert-Williams, N. J., et al. (2018). Psychological support for patients with cancer: evidence review and suggestions for future directions. Current opinion in supportive and palliative care, 12(3), 276-292
  • Khalili, N., et al. (2013). Coping strategies, quality of life and pain in women with breast cancer. Iranian journal of nursing and midwifery research, 18(2), 105-111
  • McArdle, J. M., et al. (1996). Psychological support for patients undergoing breast cancer surgery: a randomised study. Bmj, 312(7034), 813-816
  • Nardin, S., et al. (2020). Breast cancer survivorship, quality of life, and late toxicities. Frontiers in oncology, 10, 864
  • Samami, E., et al. (2021). The effect of a supportive program on coping strategies and stress in women diagnosed with breast cancer: A randomized controlled clinical trial. Nursing open, 8(3), 1157-1167
  • Schmid‐Büchi, S., et al. (2008). A review of psychosocial needs of breast‐cancer patients and their relatives. Journal of clinical nursing, 17(21), 2895-2909
  • Su, J. A., et al. (2017). Depression and family support in breast cancer patients. Neuropsychiatric disease and treatment, 2389-2396
  • Tedeschi, R. G., & Calhoun, L. (2004). Posttraumatic growth: A new perspective on psychotraumatology. Psychiatric times, 21(4), 58-60.

Bibliografia

Ce contenu est fourni à des fins d'information uniquement et ne peut pas remplacer le diagnostic d'un professionnel. Article révisé par notre rédaction clinique

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