Le deuil périnatal : perdre un enfant pendant la grossesse

Le deuil périnatal : perdre un enfant pendant la grossesse
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Stefania Borrelli
La Rédaction
Psychothérapeute spécialisée en thérapie systémique-relationnelle
Unobravo
Article révisé par notre rédaction clinique
publié le
14.4.2025
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Quelles qu'en soient les raisons, la perte d'un enfant pendant la grossesse est une expérience extrêmement douloureuse et traumatisante dont on parle peut-être trop peu encore. Dans cet article, nous aborderons le deuil périnatal, celui causé par un avortement involontaire, en mettant l'accent sur les facteurs qui peuvent compliquer le processus de deuil.

Quand devient-on parents ?

L'enfant commence à exister, dans l'imaginaire d’une femme, au moment même où elle apprend sa grossesse. Dès lors, elle cesse d'être seulement femme et compagne pour devenir mère.

L'enfant est vivant et réel et, à travers ses fantasmes, la mère construit ses traits, le caresse et établit avec lui un dialogue intime, secret et amoureux. La future mère entame une véritable refonte de toute sa vie et de celle du couple : ses priorités changent, le centre n'est plus elle ou elle et son compagnon, mais l'enfant qui va naître.‍

Deuil prénatal et périnatal

La perte d'un enfant est toujours un événement bouleversant dans la vie d'un parent, inacceptable car perçu comme contre nature. On attend la vie d'une grossesse et on est confronté à l'expérience de la mort et du vide avec la mort inattendue du nourrisson (MIN).

L'événement interrompt brutalement le projet parental et déstabilise les deux membres du couple, même s'il est vécu différemment par la mère et le père, comme nous le verrons plus loin.

deuil prénatal et périnatal
Arina Krasnikova - Pexels

Deuil périnatal: définition

Qu’est-ce que le deuil périnatal ? Le deuil périnatal désigne la perte d'un enfant entre la 27e semaine de gestation et les sept premiers jours suivant la naissance. Il est fréquent d'entendre les gens dire « j'ai peur d'avoir un bébé » après un deuil périnatal, en raison de la peur d'une nouvelle grossesse après une expérience aussi dramatique.

Le deuil prénatal, quant à lui, désigne le deuil associé à la perte d'un enfant à n’importe quel moment au cours de la grossesse.

Dans ce cas, le deuil peut s'accompagner d'une tocophobie (peur de l'accouchement), qui peut devenir invalidante pour la femme. La mort prénatale est abordée par les chercheurs P.L. Righetti et L. Sette, qui affirment que :

« L'intensité du deuil prénatal n'est pas tant liée à l'âge gestationnel, ni à la présence d'une pathologie fœtale ou d'une incompatibilité avec la vie, mais plutôt au degré d'investissement affectif du couple parental. L'âge de l'enfant n'a donc pas d'incidence sur l'ampleur de la perte, mais la différence réside dans l'établissement de la relation d'attachement qui commence bien avant la naissance de l'enfant. »

La douleur après la perte d'un enfant : le processus du deuil‍

Le deuil pré et périnatal est un processus lent qui doit passer par des étapes spécifiques pour être pleinement traité. Les étapes du deuil périnatal ont des aspects communs avec les étapes du deuil et peuvent être résumées en quatre.

‍1) Choc et déni

La première étape, qui suit immédiatement la découverte de la perte, est celle du choc et du déni. Les émotions qui l'accompagnent sont l'incrédulité, la dépersonnalisation, l'étourdissement, le sentiment d'effondrement et le déni de l'événement lui-même : « Ce n'est pas vrai, ce n'est pas arrivé. Les médecins se trompent. » sont des pensées récurrentes.

2) Contestation

L'émotion dominante est la colère, on se sent victime d'une injustice et on cherche un coupable extérieur, que ce soit les médecins, les soins hospitaliers reçus, le destin ou Dieu. Parfois, la colère se tourne même vers le partenaire, « coupable » de ne pas avoir fait assez pour éviter l'événement. Dans cette phase, les pensées sont souvent irrationnelles et incohérentes, elles présentent des caractéristiques d'obsession et de récurrence.

3) Désorganisation

La tristesse, le repli sur soi et l'isolement sont fréquents. Il peut arriver que l’on évite les situations liées à la parentalité, comme les rencontres avec des amis qui ont des enfants, mais aussi le simple fait de regarder des publicités et des images dans lesquelles apparaissent des enfants et des couples parents-enfants.

Parfois, l'isolement se manifeste à l'égard du partenaire, en raison d'une manière différente de vivre le deuil. Il n'est pas rare que l'on choisisse de ne pas en parler avec d'autres personnes, par pudeur ou parce que l'on ne croit pas pouvoir trouver à l'extérieur une véritable compréhension de l’expérience.

4) Acceptation

‍‍Le processus de deuil touche à sa fin. La souffrance s'atténue, l'isolement se réduit et, progressivement, on revient à ses propres intérêts et on peut créer l'espace émotionnel nécessaire pour désirer et redessiner la maternité.

Le deuil périnatal : mère et père

Les aspects émotionnels du deuil périnatal sont intenses pour les deux parents et touchent les dimensions psychologiques et physiques du couple. La mère et le père vivent le deuil périnatal sous des angles différents, ressentent des souffrances différentes et adoptent chacun leur propre façon de faire face à la perte. Examinons-les ensemble.

Le déuil d'un enfant vécu par les parents
Ben White - Unsplash

Le deuil vécu par la mère

Une mère en deuil se trouve engagée dans la tâche difficile et douloureuse de faire face à toutes les attentes qu'elle avait suscitées pendant sa grossesse, en cherchant à accepter ce qui s'est passé, ce qui semble, surtout dans les premiers temps, une tâche impossible.

À la douleur d'une mère qui perd un enfant après des semaines ou des mois d'attente, s'ajoute le sentiment de vide dû à l'absence de cet enfant qui n'est plus là : même si elle ressent un amour à donner, personne ne peut plus le recevoir et le sentiment de solitude devient profond.

Les expériences courantes d'une mère en deuil sont les suivantes :

  • la culpabilité, qui fait qu'il soit difficile de se pardonner après un avortement, même une fausse couche ;
  • des doutes d'avoir fait quelque chose de mal ;
  • pensées d'incapacité à générer une vie ou à la protéger ;
  • besoin de connaître la cause de la perte (même si les médecins l'ont déclarée imprévisible et inévitable).

Ce type de rumination est typique des cas de dépression, plus fréquents chez les femmes qui avaient investi dans la grossesse l'achèvement de leur existence, qui apparaît dès lors amputée et inachevée.

Le deuil et l’âge de la mère

‍La perte d'un enfant pendant la grossesse, pour une jeune mère, peut être un événement imprévu et déstabilisant, et apporter dans la vie de la femme une expérience de fragilité, d'insécurité par rapport à son corps et de peur pour l'avenir.

Des pensées telles que : « Pourquoi est-ce arrivé ? Y a-t-il quelque chose qui ne va pas chez moi ? Cela va-t-il se reproduire ? »

Lorsque la grossesse survient à un âge plus avancé et qu'elle est interrompue par la mort inattendue du nourrisson, les sentiments de culpabilité peuvent être encore plus intenses. La mère peut se sentir responsable de cette perte en raison :

  • de son âge,
  • d'un corps qu'elle pense ne plus être assez fort et accueillant pour lui permettre d'accoucher,
  • de l'idée qu'elle a « perdu » du temps pour d'autres projets.

Le deuil périnatal, chez une femme qui n'est plus très jeune, surtout lorsqu'il s'agit de son premier enfant, s'accompagne du désespoir de percevoir la perte d'un enfant pendant la grossesse comme l'échec de la seule et unique chance d'engendrer.

L'idée (pas forcément vraie) qu'elle n'aura plus l'occasion de devenir mère est déchirante.

La perte d'un enfant, qu'il vienne de naître ou qu'il soit déjà né, peut amener une femme à s'enfermer dans sa douleur et à se détacher du monde extérieur, ce qui peut la conduire à adopter un comportement d'évitement, en particulier à l'égard des couples avec enfants et des femmes enceintes.

L'agacement, la colère ou la jalousie sont des émotions normales au cours du processus de deuil. Des pensées telles que « Pourquoi moi ? » ou même « Pourquoi celle qui est une mauvaise mère a-t-elle des enfants et pas moi ? » sont normales, mais elles s'accompagnent d'un sentiment de honte et d'une forte autocritique pour les avoir conçues.

deuil du père et de la mère
Cottonbro Studio - Pexels

Le deuil périnatal vécu par le père

Le père, bien que partant d'une expérience différente, n'éprouve pas un chagrin moins intense.

Beaucoup d'entre eux, bien qu'ils commencent très tôt à fantasmer sur leur paternité, réalisent vraiment qu'ils sont pères au moment où leur enfant naît et qu'ils peuvent le voir, le toucher et le tenir dans leurs bras. Le lien est encore renforcé lorsque l'enfant commence à interagir avec eux.

Cette sorte d'état de suspension et d'attente, pendant la grossesse, peut compliquer la recherche par le père d'une position face à la perte. Il se demande ce qu'il doit ressentir et comment il doit se comporter, comment il doit (ou ne doit pas) exprimer sa douleur, en fonction de son rôle de père, mais aussi de ce qu'il croit que la société attend de lui en tant qu'homme.

Il peut essayer de rationaliser en se disant qu'il ne peut pas regretter un fils qu'après tout il n'a même pas connu et qu'en ne se flagellant pas, la douleur lui paraîtra peut-être moins intense.

Face à la souffrance de sa compagne, il peut essayer de gérer la sienne en la mettant de côté, en se forçant à être fort et courageux et à aller de l'avant, notamment pour elle, en s’impliquant pleinement.

Une blessure qui marque le couple

L'interruption de la grossesse est une blessure qui marque le couple. Même lorsqu'elle intervient dans les premières semaines. Le fœtus est un enfant à part entière et la douleur ne dépend pas du moment de la gestation, mais de l'investissement affectif et du sens que le couple a donné à l'expérience de la grossesse.  

La perte de l'enfant peut anéantir un projet autour duquel les partenaires voulaient redéfinir l'identité même du couple, avec un sentiment brutal d'interruption et de désarroi face à l'avenir.

Le choc émotionnel intense et le deuil qui en résulte peuvent durer de 6 mois à 2 ans, mais parfois plus longtemps.

Le deuil pour la perte d'un enfant

Le traitement du deuil d'un enfant est un processus qui prend du temps. Le couple doit vivre son chagrin et accepter la perte à son rythme.

Parfois, les gens préfèrent rester bloqués dans leur douleur par peur d'oublier. Des pensées telles que « Si j'arrête de faire mon deuil, j'oublierai » ou « Si je ne fais pas mon deuil, cela signifie que je ne me suis pas vraiment soucié de mon enfant » peuvent être assez courantes.

Se libérer de la douleur ne signifie pas pour autant oublier. Au contraire, c'est à travers les souvenirs qu'il est possible de comprendre pleinement l'événement survenu, de faire son deuil et de symboliser l'expérience.

On peut utiliser, par exemple, la boîte à souvenirs qui rassemble quelques objets du bébé et de la gestation, comme les échographies, les tests de grossesse ou un jouet qui était déjà dans le berceau.

Le traitement du deuil périnatal est essentiel, et l'une des choses les plus importantes est que ce deuil ne devienne pas un tabou, quelque chose dont il faut avoir honte. Il est essentiel d'en parler et de s'autoriser à faire son deuil. Cela permet d'assimiler la perte.

deuil pour la perte d'un enfant
Rosie Fraser - Unsplash

‍Quand le deuil d'un enfant se complique

Il peut arriver que quelque chose complique l'évolution naturelle du processus, entraînant la souffrance et les pensées douloureuses et dysfonctionnelles bien au-delà du temps physiologiquement nécessaire.

Cela transforme le deuil en un deuil compliqué, ou évolue vers des troubles psychologiques tels que la dépression réactionnelle et le trouble de stress post-traumatique.

Deuil pendant la grossesse : la journée du deuil périnatal

Le thème du deuil périnatal et du deuil pendant la grossesse a trouvé un espace institutionnel le 15 octobre, lors de la célébration de la journée de sensibilisation au deuil périnatal. Créée aux États-Unis, la journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal est une commémoration qui, au fil du temps, s'est étendue à de nombreux pays tels que la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la France.

Parmi les associations qui s’occupent du deuil périnatal on peut mentionner Naître et Vivre, une association d’accompagnement des parents confrontés au deuil lié à la mort inattendue du nourrisson. Elle recueille des témoignages et des expériences de deuil périnatal et promeut l'importance d'un espace pour traiter les expériences de polyavortement et de deuil périnatal pour toutes les familles qui vivent la perte d'un enfant pendant la grossesse.

Comment surmonter le deuil périnatal à l’aide de la psychothérapie

Comme nous l'avons vu, l'intervention psychologique dans le deuil périnatal peut être essentielle pour permettre aux parents et aux familles de faire le deuil d'un enfant. Le processus de deuil périnatal peut être mené avec un psychologue spécialisé en deuil périnatal. Le parcours thérapeutique peut être individuel ou se dérouler dans le cadre d'une thérapie de couple.

Il est important d'envisager un soutien psychologique et de s'adresser à un expert, qui peut aider le couple à progresser lors du processus de deuil, l'accompagner vers l'acceptation, la pleine conscience de soi et de ce qui s'est passé, surmonter le chagrin et retrouver une approche confiante de la vie.

Quelles stratégies la psychologie de la grossesse peut-elle proposer pour faire face à un traumatisme aussi complexe ? Parmi les approches psychothérapeutiques qui peuvent être utilisées pour accompagner les parents face aux effets psychologiques du deuil périnatal, on trouve par exemple l'approche fonctionnelle ou l'EMDR.

Un parcours de psychologie pour le traitement du deuil et l'éducation à la mort (death education en anglais) peut également être dispensé par un psychologue en ligne spécialisé chez Unobravo. Outre le soutien psychologique au deuil périnatal, la psychologie peut également aider à surmonter une fausse couche ou à faire face à une dépression post-partum.

Livres sur le deuil périnatal

Voici quelques ouvrages utiles pour les parents confrontés à un deuil périnatal :

  • Traverser l'épreuve d'une grossesse interrompue, Nathalie Lancelin-Huin, Éditeur Josette Lyon.
  • Décès périnatal : le deuil des pères, Montigny F., Verdon C. et Lord-Gauthier J., Éditeur Hôpital Sainte-Justine.
  • Le deuil périnatal : le vivre et l’accompagner, Haussaire-Niquet C., Éditeur Le Souffle d’Or.
  • Dans ces moments-là : deuil périnatal. Plus de 130 idées pour offrir du soutien aux parents endeuillés de leur bébé... ou pour en recevoir de ses proches, Hélène Gerin, Éditeur Bookelis.

Bibliographie
Ce contenu est fourni à des fins d'information uniquement et ne peut pas remplacer le diagnostic d'un professionnel. Article révisé par notre rédaction clinique

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