Troubles psychiques

Trypophobie : la peur des trous

Trypophobie : la peur des trous
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Andrea Carbone
La Rédaction
Psychothérapeute spécialisé en thérapie psychanalytique
Unobravo
publié le
18.7.2024

Le terme trypophobie est apparu pour la première fois dans la bibliographie spécialisée en psychologie en 2013. Les chercheurs Cole et Wilkins ont observé un trouble psychologique qui s’emparait des personnes lorsqu'elles observaient certaines images de trous, tels que ceux des éponges, du fromage à trous ou d’un rayon d’abeilles. Ces images déclenchent une réaction immédiate de dégoût et de nausées. Dans cet article, nous aborderons les aspects de la trypophobie en profondeur : ce qu’elle est, quels en sont les symptômes et comment la traiter.

Qu’est-ce que la trypophobie ?

La trypophobie est la peur des trous, c’est-à-dire la crainte ou l’aversion dérivant de la vision de motifs formés par de petites figures géométriques rapprochées entre elles. Même si les trous sont les principaux déclencheurs de la peur, d’autres formes répétitives spécifiques, telles que les cercles convexes, les points rapprochés ou les hexagones d’une ruche, peuvent aussi la déclencher.

Actuellement, la « phobie des trous » n’est pas un trouble psychiatrique officiellement reconnu et il n’apparaît pas dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM). Bien qu’elle soit connue sous le nom de trypophobie, il ne s’agit pas d’une véritable phobie comme c’est le cas, par exemple, de la thalassophobie, la mégalophobie, l’arachnophobie, la phobie des mots longs, l’haptophobie, l’entomophobie ou la thanotophobie, qui se caractérisent par une anxiété excessive face à un déclencheur et le comportement d’évitement qui en résulte.

Comme mentionné, la peur des trous est liée à l’émotion du dégoût, ce qui fait qu'un petit pourcentage de personnes éprouvent littéralement des nausées en regardant des images avec des trous.

Trypophobie : signification et origines

Nous partirons de l'étymologie pour comprendre ce qu’est la trypophobie, la signification du terme, ses causes et son possible traitement. L’étymologie de trypophobie provient du grec : trýpa, « trou » et phóbos, « peur ». Trypophobie signifie donc littéralement « phobie des trous ».

Des images publiées sur Internet sont souvent à l’origine de la peur des trous. En fait, il s’agit d’un concept très récent vu que, comme mentionné précédemment, on a commencé à en parler en 2013. La personne ayant peur des trous affirme qu’elle se sent dépassée par les images montrant de nombreux points en premier plan, elle éprouve des nausées et de l’anxiété ainsi que de la peur de perdre le contrôle dans certains cas.

En plus des nausées, d’autres symptômes de la phobie des trous peuvent être, notamment :

  • le mal de tête,
  • la démangeaison, 
  • les crises de panique.

Les symptômes se déclenchent lorsqu’une personne voit un objet avec des trous rapprochés entre eux ou des formes semblables. Le mal de tête est normalement lié aux nausées, tandis que la démangeaison s’est souvent manifestée chez des individus ayant observé des images de trous dans la peau. Le « lotus boob », un photomontage apparu sur Internet qui montrait des graines de lotus sur la poitrine nude d’une femme, en est un exemple.

Les personnes ayant peur des trous peuvent avoir des crises de panique, notamment, lorsqu’elles interprètent les symptômes de l’anxiété comme des signes de menace en s’exposant constamment à des images considérées comme répugnantes. En fait, elles peuvent même développer un comportement anxieux et craintif à cause de la peur de trouver une de ces images à n’importe quel moment.

En plus d’éprouver des symptômes tels que la peur ou le dégoût, il est fréquent que les personnes souffrant de phobie des trous aient également des changements de comportement. Par exemple, le fait d’éviter de manger certains aliments (tels que les fraises ou le chocolat avec des bulles) ou d’éviter d’aller à certains endroits (tels qu’une chambre décorée avec du papier peint à pois).

Quelles sont les causes et les factuers de risque de la trypophobie
Sincerely Media - Unsplash

Trypophobie : causes et facteurs de risque

Les causes ne sont pas encore connues et les chercheurs supposent que l’exposition à des types d’images spécifiques peut être à l’origine d’une réponse phobique. Par exemple, l’image d’un poulpe à anneaux bleus provoque une réaction immédiate d’anxiété et de dégoût.

Une hypothèse a été émise que les images d’animaux venimeux et potentiellement mortels pour l’être humain sont la cause de la réaction phobique. Le poulpe à anneaux bleus est, en effet, un des animaux les plus mortels de la planète. De plus, beaucoup de reptiles, tels que les serpents, présentent des couleurs très vives accentuées par des formes circulaires qui peuvent être perçues comme des trous.

Il est donc possible que nos ancêtres, qui devaient apprendre à se défendre des animaux menaçants, nous aient transmis jusqu'à aujourd'hui l’instinct inné de craindre d’autres êtres vivants ayant certaines couleurs vives et à pois. Il est également possible que la sensation de démangeaisons associée au dégoût soit une défense naturelle de la peau face à une potentielle contamination, que ce soit à cause d’un venin ou des petits animaux comme des insectes qui pourraient, dans l'imagination des personnes souffrant de phobie des trous, infester leur corps.

Causes évolutives

Selon une des théories les plus populaires, la trypophobie est une réponse évolutive aux maladies et au danger, de même que la peur des araignées. La peau malade, les parasites ainsi que d’autres conditions infectieuses peuvent être caractérisés par des trous dans la peau ou des protubérances. On peut citer des maladies comme la lèpre, la variole et la rougeole.

Les préjugés ou la perception du caractère contagieux des maladies cutanées provoquent souvent de la peur chez ces personnes.

L’association avec les animaux dangereux

Une autre théorie suggère que les trous rapprochés entre eux ressemblent à la peau de certains animaux venimeux. Les personnes peuvent craindre ces images à cause d’associations inconscientes.

Une étude de 2013 a examiné comment les personnes ayant peur des trous répondent à certains stimuli en comparaison à celles qui n'en ont pas. En regardant une ruche, les personnes qui ne souffrent pas de trypophobie pensent immédiatement à des choses telles que le miel ou les abeilles, tandis que celles souffrant de la phobie des trous rapprochés entre eux ressentent des nausées et du dégoût.

D’après les chercheurs, ces personnes associent inconsciemment la vision d’un nid d’abeilles à des organismes dangereux qui partagent les mêmes caractéristiques visuelles de base, comme les serpents à sonnettes. Bien qu’elles ne soient pas conscientes de cette association, elle peut être la cause de leurs sentiments de dégoût et de peur.

L’association avec des agents pathogènes infectieux

Une étude de 2017 a découvert que les participants avaient tendance à associer des images de points à des pathogènes transmissibles par la peau. Les participants de l’étude ont signalé des sensations de démangeaison lorsqu’ils regardaient ces images. Face à de possibles menaces, le dégoût ou la peur s’avèrent des réponses adaptatives évolutives. Dans de nombreux cas, ces sentiments aident à se tenir à l’écart des dangers. En ce qui concerne la trypophobie, selon les chercheurs, il peut s’agir d’une forme généralisée et exagérée de cette réponse normalement adaptative.

Internet et les « images déclencheuses »

Même si son origine ancienne peut être évidente, les chercheurs ne sont pas toujours d’accord sur la manière dont se produit la première apparition de la phobie des trous. En fait, on pense qu’elle peut se manifester chez les personnes qui sont plus sujettes à l’anxiété ou aux phobies.

En raison de la diffusion du « lotus boob », qui a attiré l’attention de tout le monde par rapport à la trypophobie, les chercheurs se sont demandés s’il n’était pas dû à la circulation mondiale sur Internet de ces images déclencheuses, c’est-à-dire des images provoquant une réaction phobique.

Parmi les images d’objets qui peuvent déclencher une phobie des trous, on trouve notamment :

  • la tête de fleur de lotus,
  • la ruche,
  • les grenouilles et les crapaud (notamment le crapaud du Suriname),
  • les fraises,
  • le fromage à trous,
  • le corail,
  • les éponges,
  • les grenades,
  • les bulles de savon,
  • les pores de la peau, et
  • les pommeaux de douche.

Les animaux, y compris les insectes, les grenouilles, les mammifères et d’autres créatures à la peau ou à la fourrure tachetées, peuvent également déclencher des symptômes de trypophobie. La phobie des trous est souvent très visuelle. Il suffit de regarder des images en ligne ou imprimées pour déclencher des sentiments d’aversion ou d’anxiété.

Images déclencheusees de la trypophobie sur Internet
Stephanie Harlacher - Pexels

Selon Geoff Cole, le médecin qui a publié une des premières études sur la phobie des trous rapprochés entre eux, un iPhone 11 Pro peut aussi provoquer la trypophobie. L’appareil photo, explique le professeur de psychologie de l’Université britannique d’Essex, « présente les caractéristiques essentielles pour provoquer une telle réaction, car il est composé d’un ensemble de trous. Tout peut provoquer la trypophobie, à condition de suivre ce motif ».

Beaucoup de personnes pourraient facilement éviter de s’exposer à des images qui provoquent du dégoût et de l’anxiété en évitant de s’entourer d’images déclencheuses ou d’objets qui leur rappellent le motif anxiogène. Cependant, il a été observé que de nombreux internautes s’amusent à faire circuler ces images sur le web, même en sachant que d’autres personnes peuvent éprouver une réaction d’anxiété violente, de phobie et de dégoût.

Internet permet l’apparition de troubles psychogènes, ainsi que sa circulation et sa propagation d’une personne à l’autre comme des virus. Par conséquent, des milliards de personnes qui potentiellement souffrent de trypophobie sont exposées involontairement au déclencheur de leur dégoût et développent une symptomatologie phobique sévère.

Trypophobie : traitement et remèdes 

Heureusement, il y a aussi un grand nombre de bienfaiteurs sur Internet qui ont développé des vidéos qui semblent avoir un effet similaire à celui d’une technique de relaxation, aidant les gens à se détendre et même à dormir.

Certains d’entre eux sont capables de générer une réponse appelée ASMR ou Réponse automatique des méridiens sensoriels. Il s’agit d’une réponse de relaxation physique, souvent liée aux fourmillements, qui se produit en regardant des vidéos de personnes en train de manger, se faire chouchouter, se brosser les dents ou plier des feuilles de papier.

En ce qui concerne l’efficacité de ces vidéos, il faut signaler qu’il n'existe pas suffisamment de preuves de leur validité. Il s’agit surtout de témoignages de personnes qui ont partagé leur expérience.

D’autres personnes, en revanche, s’exposent à des images dégoûtantes pour tenter de se désensibiliser, mais elles n'atteignent pas toujours les résultats souhaités ; ce qui comporte aussi un risque d’augmenter la sensibilisation au stimulus. C’est pour cette raison que nous conseillons de faire face à la peur des trous en réalisant un travail de désensibilisation à l’aide d’un professionnel expert en techniques de relaxation et traitement de différents types de phobies.

Conclusion : l’importance de chercher de l’aide

Bien qu’il s’agisse d’un trouble avec des conséquences évidentes au niveau clinique, professionnel, scolaire et social, la trypophobie est encore un phénomène méconnu. Elle fait actuellement l’objet de recherches de la part de nombreux spécialistes à l’échelle international.

Si vous ne savez pas comment y faire face de manière autonome, n’hésitez pas à vous adresser à un professionnel. Vous pouvez chercher le soutien d’un psychologue en ligne, qui sera capable de vous guider et de vous accompagner dans votre parcours pour atteindre le bien-être.

Ce contenu est fourni à des fins d'information uniquement et ne peut pas remplacer le diagnostic d'un professionnel. Article révisé par notre rédaction clinique

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