Le dictionnaire Larousse donne la signification suivante au terme « dysmorphophobie » : « préoccupation exagérée manifestée par quelqu'un au sujet de l'aspect disgracieux de tout ou partie de son corps, que cette crainte ait un fondement objectif ou non. ». Dans cet article nous approfondissons la signification de la dysmorphie corporelle en partant de la définition de l’American Psychiatric Association (APA).
La dysmorphophobie, connue sous le nom de « trouble dysmorphique corporel » (TDC), est définie par l’APA comme « une condition caractérisée par des préoccupations excessives et constantes concernant des imperfections, n’étant pas objectivement perceptibles, que les personnes perçoivent dans leur apparence physique ».
Le trouble dysmorphique corporel peut amener la personne dysmorphique à subir des opérations de chirurgie esthétique sans aucun bénéfice (raison pour laquelle la dysmorphophobie et la chirurgie esthétique sont souvent associées), et avec la tendance à en subir davantage qui en découle.
Les préoccupations concernant son apparence physique peuvent être focalisées sur n’importe qu’elle partie du corps, toutefois les zones les plus fréquemment concernées sont :
- la peau,
- le nez,
- le poids,
- les yeux,
- les jambes, et
- les dents.
Dysmorphophobie : symptômes et critères diagnostiques
Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), la dysmorphophobie est intégrée dans le spectre du « trouble obsessionnel-compulsif et apparentés » (comme le syndrome de Noé et la trichotillomanie) et pas dans les phobies (comme son nom pourrait le suggérer à tort).
Les critères diagnostiques du trouble dysmorphique corporel dans le DSM-5 sont :
- « la préoccupation à l’égard d’un ou de plusieurs défauts ou imperfections perçus dans l’apparence physique qui ne sont pas perceptibles ou que d’autres personnes perçoivent légèrement,
- « des comportements répétitifs ou des actions mentales suite à des préoccupations liées à l’apparence physique,
- « le malaise cliniquement significatif ou la déficience du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants,
- « la préoccupation injustifiée à l’égard de la graisse corporelle ou le poids chez une personne dont les symptômes correspondent aux critères diagnostiques d’un trouble de l’alimentation ».
La dysmorphie corporelle : l’obsession de l’apparence physique et les causes de la dysmorphophobie
Quelles sont les causes principales de la dysmorphie ? Le DSM-5 signale que les symptômes de la dysmorphie corporelle peuvent inclure divers facteurs de risque, notamment :
- « des facteurs environnementaux (le trouble dysmorphique corporel a été associé à des taux élevés de négligence et d’abus pendant l’enfance),
- « des facteurs génétiques et physiologiques (la prévalence du trouble dysmorphique corporel est élevée parmi les parents de premier degré de la personne souffrant du trouble obsessionnel-compulsif) ».
Se voir et se sentir laid et « pas bien » devient une pensée intrusive et récurrente, jusqu’au point d’occuper beaucoup d’heures de la journée pendant lesquelles, les personnes :
- comparent leur apparence physique à celle des autres,
- se regardent répétitivement dans le miroir pour s’examiner,
- utilisent du maquillage et des vêtements pour cacher leurs imperfections, et
- cherchent à être rassurées à l’égard de leur apparence.
Ces pensées récurrentes sont associées au stress, à l’anxiété et à la baisse de l’humeur, provoqués par l’intense préoccupation à l’égard des défauts.
Développement et comorbidité de la dysmorphophobie
La dysmorphophobie apparaît normalement entre 17 et 18 ans, pourtant les premiers signes peuvent se manifester déjà autour de 12-13 ans.
Ce trouble est associé aux changements physiques et fait référence au bouleversement de l’identité : c’est-à-dire qu’il peut être considéré comme une « symbolisation » à travers le corps des conflits liés au processus de séparation-individuation.
C’est pourquoi les processus par lesquels une personne acquiert sa propre identité sont d’une grande importance, c’est-à-dire l’expérience de sa propre image globale et la correspondance entre celle-ci et le corps qu’elle imagine.
La personne souffrant de dysmorphie présente souvent d’autres problèmes en plus de la dysmorphophobie, notamment :
- dysmorphophobie et dépression,
- dysmorphophobie et phobie sociale,
- dysmorphophobie et trouble obsessionnel-compulsif,
- dysmorphophobie et troubles alimentaires (tels que l’anorexie et la boulimie),
- dysmorphophobie et troubles de la personnalité.
En lisant les expériences de dysmorphophobie dans divers forums sur le web, on se rend compte à quel point l’anxiété dysmorphique peut compromettre la vie d’une personne, qui peut se sentir incomprise et s’enfoncer dans la solitude. Dans un témoignage sur la dysmorphophobie, la personne qui écrit affirme :
« Et moi aussi je me suis éloigné de tous mes proches, je ne sors plus, reste cloîtré chez moi, et même quand ma peau me paraît pas trop mal, je n'ose rien faire de peur d'aggraver la situation [...] Par exemple, si je mange trop, ou si je mange certains trucs, si je bois de l'alcool, si je me couche tard, si je fais du sport, enfin tout m'angoisse, je ne fais plus rien quasiment... »
Parmi les témoignages sur la dysmorphophobie, on peut aussi mentionner celui de la chanteuse Béatrice Martin de Cœur de pirate, qui a fait une publication sur son compte Instagram à l’égard de son expérience avec le trouble dysmorphique corporel (body dysmorphic disorder en anglais).
Les exemples de dysmorphophobie les plus répandus concernent la dysmorphophobie du visage (« mon visage ne va pas »), des cheveux ou de l’acné. Il est également possible de trouver la dysmorphophobie pénienne (ou une perception erronée de la taille du pénis, improprement appelée « syndrome du vestiaire »).
Comme spécifié dans le DSM-5, quand « la personne est inquiétée car elle a l’impression que sa constitution physique est trop petite ou insuffisamment musclée », on peut parler de dysmorphophobie musculaire, aussi connue sous le nom de bigorexie.
Dans ces cas-là, la personne peut adopter des comportements dysfonctionnels tels que le fait d’utiliser des stéroïdes androgènes-anabolisants. La dysmorphie corporelle peut avoir un degré de conscience qui varie du « bon » au « délirant ».
Dans les cas de dysmorphophobie très sévères et de dysmorphophobie délirante, le DSM-5 signale que les personnes atteintes de cette forme de trouble peuvent avoir « une plus grande morbidité dans certains domaines », telle qu’une propension accrue aux idées suicidaires.
Traitement de la dysmorphophobie
Quel est le traitement de la dysmorphie ? Pendant la phase de diagnostic, divers tests sont utilisés pour évaluer la dysmorphie corporelle, permettant de l’analyser sous différents angles :
- le Body Dysmorphic Disorder Questionnaire (BDDQ),
- le Body Image Disturbance Questionnaire (BIDQ), et
- le Body Dysmorphic Disorder Examination (BDDE).
Le DSM-5 mentionne que « l’altération du fonctionnement social (par exemple : les activités sociales, les relations et l’intimité), voire l’évitement, est habituelle ».
Comment peut-on donc aider une personne souffrant de dysmorphie ? On peut commencer par être à l’écoute de la personne sans adopter une attitude de jugement, en lui apportant du soutien pendant son parcours de soins.
Parmi les possibles traitements pour la dysmorphophobie, il est conseillé de choisir la psychothérapie, en tant que stratégie indispensable pour le traitement du trouble dysmorphique corporel.
En particulier, la thérapie cognitivo-comportementale et la psychothérapie psychodynamique se sont révélées efficaces pour traiter ce trouble. En fonction des évaluations d’un expert et après l’implication conséquente d’un professionnel spécialisé (tel qu’un psychiatre), la psychothérapie peut être accompagnée de l’administration de médicaments pour la dysmorphophobie, à prendre strictement sous contrôle médical.
Livres sur la dysmorphophobie
Pour approfondir sur le sujet des dysmorphismes, de l’impact psychologique de la dysmorphie et des possibles traitements, voici quelques livres sur la dysmorphophobie :
- Traiter la dysmorphophobie - L'obsession de l'apparence, Caline Majdalani. Éditions Dunod, 2017.
- Les défauts physiques imaginaires: Comprendre et soigner la dysmorphophobie, Jean Tignol. Éditions Odile Jacob, 2006.