La boulimie, également connue sous le nom de boulimie nerveuse ou boulimie mentale, tout comme l’anorexie, fait partie des troubles du comportement alimentaire (TCA). On estime que, en 2013, la boulimie a affecté près de 6,5 millions de personnes dans le monde. Environ 1 % des jeunes femmes est atteinte de boulimie pendant une période de temps déterminée et environ 2-3 % d’entre elles expérimente cette condition à un moment donné de sa vie.
D’après les chiffres de la Haute Autorité de Santé (HAS) la boulimie touche environ 1,5 % des 11-20 ans et un garçon pour environ trois filles.
Afin de sensibiliser aux troubles du comportement alimentaire tels que la boulimie, le 2 juin a lieu la journée mondiale des troubles des conduites alimentaires en France, dans le but de promouvoir la prévention et l’information sur les TCA.
Dans cet article nous aborderons en détail ce qu'est la boulimie, ses symptômes, ses causes et plusieurs solutions pour y faire face.
Qu’est-ce que la boulimie ?
La boulimie a été découverte en 1979 par le psychiatre britannique Gerald Russell, qui a décrit les symptômes pour la première fois. Cependant, on trouve également des références à la boulimie dans l’histoire ancienne, bien qu’ayant des significations différentes de celles actuelles.
Etymologiquement, le terme bulimia provient du grec et signifie « grande faim », et de manière plus littérale « faim de bœuf ». Dans le domaine médical, la boulimie est définie comme la tendance à manger de grandes quantités de nourriture pour ensuite adopter des comportements compensatoires pour éliminer ce qui a été ingéré.
Par rapport à la signification psychologique de la boulimie, les comportements qui la caractérisent sont souvent la manifestation d’une série de troubles psychiques. La personne atteinte de boulimie accorde une attention excessive à son poids et à sa forme physique, jusqu’au point d’exercer un contrôle dysfonctionnel sur ces aspects et de créer un véritable cercle vicieux.
Boulimie et DSM-5
Dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, la boulimie se trouve parmi les Troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments. En plus de décrire le trouble, le Manuel identifie une série de symptômes et de comportements qui doivent être présents afin que les personnes atteintes du trouble puissent recevoir un diagnostic psychologique précis.
Les critères pour le diagnostic de la boulimie définis dans le DSM-5 sont notamment :
- Les accès hyperphagiques récurrents : pendant les accès hyperphagiques, on ingère des aliments rapidement, de manière incohérente et excessive, ayant la sensation de perdre le contrôle pendant le repas. Pendant une crise de boulimie, la personne consomme un grande quantité de nourriture en solitaire, sans apprécier le goût des aliments. La conséquence immédiate d’un épisode de boulimie peut être le sentiment de culpabilité en raison d’avoir perdu le contrôle et l’évaluation négative de soi.
- Les comportements compensatoires récurrents : tels que les vomissements auto-provoqués, la prise de laxatifs et de diurétiques, et la pratique excessive d’activité physique.
- La préoccupation constante et extrême : à l’égard du poids et de la forme physique.
- Le sentiment de honte et de gêne : surtout suite aux crises de gloutonnerie, qui sont fréquemment associées à la solitude, au stress, au sentiment de vide ou à l’ennui.
- L’évaluation du degré d’estime de soi en fonction de la forme physique et du poids.
En revanche, lorsque l’ingestion excessive d’aliments n’est pas accompagnée de comportements compensatoires, on parle d’addiction alimentaire. Bien que les causes qui peuvent provoquer le développement de divers TCA partagent la même origine, la principale différence entre la boulimie et l’addiction alimentaire réside, dans ce dernier cas, dans l’absence de comportements visant à se débarrasser des aliments ingérés.
Il existe également une différence spécifique entre l’addiction alimentaire et la boulimie : dans le premier cas, la personne a tendance à faire une consommation excessive d’un aliment particulier, celui pour lequel l’addiction s’est développée. Tandis que la personne qui présente un comportement boulimique a tendance à consommer un éventail d’aliments très gras et caloriques, peu importe qu’ils soient salés ou sucrés.
Un test des troubles alimentaires comme le EAT-26 peut s’avérer utile pour devenir plus conscient de l’état de bien-être de la personne et soutenir le processus de diagnostic. Il est également conseillé de réaliser les preuves pertinentes pour recevoir un diagnostic de boulimie à l’aide d’un psychologue professionnel.
Types de boulimie
Peut-on parler de boulimie sans comportements compensatoires ? D’après la définition du DSM-5, les comportements compensatoires se trouvent parmi les principaux critères de diagnostic. Néanmoins, en fonction du type de comportement, il est possible de différencier entre deux types de boulimie différentes :
- La boulimie purgative, caractérisée par l’élimination rapide des calories ingérées par les vomissements auto-provoqués, ou la prise de laxatifs ou de diurétiques.
- La boulimie non purgative, où l’élimination des calories ingérées de manière indirecte, par exemple, en faisant de l’activité physique excessive ou des périodes de jeûne. On peut considérer la boulimie sans vomissements comme non purgative.
Au sens plus large, on peut parler de boulimie atypique lorsque, même s’il existe une ou plusieurs comportements boulimiques, le tableau clinique général indique l’existence du trouble. C’est le cas, par exemple, de la boulimie sans hyperphagie.
Les symptômes de la boulimie
Comprendre de l’extérieur si une personne est atteinte de boulimie peut être difficile, car les personnes présentant des comportements boulimiques sont capables de très bien cacher les symptômes. Par exemple, identifier les symptômes physiques de la boulimie est complexe car la personne a souvent un poids normal ou est en surpoids, en raison des comportements compensatoires.
Cependant, il y a un éventail de symptômes appartenant à la sphère émotionnelle et comportementale qui peuvent aider à comprendre si une personne souffre de boulimie :
- l’isolement et l’évitement de situations où on mange avec d’autres personnes,
- les sentiments négatifs vers soi-même, tels que la honte et la répulsion,
- l’achat habituel d’aliments à faible valeur nutritive pour les consommer pendant les crises de gloutonnerie,
- l’attention excessive au poids et la peur de grossir,
- les comportements restrictifs, tels que suivre un régime alimentaire strict, ne pas faire certains repas ou diminuer la fréquence des repas,
- les crises de faim boulimiques à cause des restrictions auto-imposées, qui peuvent se manifester dans un bref délai de temps (de quelques minutes à plusieurs heures),
- pendant les accès d’hyperphagie, la sensation d’avoir perdu le contrôle et de ne pas être capable de s’arrêter, et
- l’adoption de mécanismes compensatoires, qui incluent du jeûne à la prise de médicaments permettant de maigrir, ainsi que l’activité physique excessive.
Les causes de la boulimie
« Pourquoi une personne est atteinte de boulimie ? » Cette question peut être un des doutes qui résonnent parmi les personnes atteintes de boulimie ainsi que celles autour. Il n’existe pas un seul facteur qui déclenche cette psychopathologie. La boulimie a diverses causes psychologiques, liées à des expériences de vie et à des relations personnelles. En plus, la présence d’autres conditions de malaise psychologique peuvent aussi contribuer à son apparition.
Voici quelques-uns des facteurs de risque de la boulimie et des comorbidités les plus fréquentes des patients :
- le trouble de stress post-traumatique,
- une plus grande susceptibilité de la personne à souffrir de dépression ou d’anxiété, ou à développer un trouble obsessionnel compulsif,
- la faible adaptation aux situations de stress,
- la présence de troubles de la personnalité, tels que le trouble borderline,
- la faible estime de soi et la tendance à l’auto-évaluation par rapport au poids corporel,
- la dysrégulation émotionnelle et la faible tolérance aux émotions négatives, qui sont éliminées à l’aide du plaisir initial découlant des accès de gloutonnerie, et
- la tendance à l’abus d’alcool et d’autres substances.
La boulimie peut aussi être associée à des causes familiales ; il existe, en effet, des corrélations avec les problèmes dans la relation mère-fille ou la relation avec le père. Même si les causes des TCA ne sont pas encore tout à fait claires, la relation avec les parents peut influencer les dynamiques émotionnelles et relationnelles derrière le trouble, puisqu’elle affecte l’estime de soi des enfants et la manière dont ils se perçoivent eux-mêmes. En outre, la présence dans la famille de personnes souffrant ou ayant souffert d’anorexie, de boulimie ou d’autres troubles alimentaires, peut créer un climat de recherche du perfectionnisme et un faible niveau d’estime de soi.
On peut également trouver des facteurs de risque pendant les étapes de la grossesse, du post-partum et de l’allaitement. Il s’agit de moments de la vie où les femmes doivent faire face à des grands changements physiques aussi bien à l’égard du poids que de leur complexion. Ces altérations physiques peuvent se transformer en un déclencher additionnel dans les cas où la femme a été atteinte d’un TCA dans le passé ou a prédisposition au trouble.
Conséquences de la boulimie
La boulimie, si on ne la traite pas, peut avoir des conséquences à long terme et entraîner divers risques pour la santé.
Ce sont certains des effets physiques de la boulimie à cause des vomissements auto-provoqués :
- mal de gorge et lésions oropharyngées,
- problèmes de cordes vocales,
- visage gonflé et glandes parotides gonflées,
- lésions aux dents et aux gencives, en fait, le dentiste peut s’apercevoir de la boulimie d’un patient, ou
- marques sur les mains (signe de Russell), telles que des lésions ou des callosités.
Outre aux conséquences physiques visibles, la boulimie peut aussi avoir des conséquences plus graves telles que :
- l’aménorrhée, c’est-à-dire l’absence du cycle menstruel,
- des problèmes cardiaques en raison des altérations électrolytiques,
- des douleurs d’estomac et des problèmes gastriques, tels que le reflux gastro-œsophagien,
- des problèmes digestifs, tels que la distension abdominale, la constipation ou la diarrhée provoquée par l’abus de laxatifs, et
- l’insuffisance rénale.
Boulimie et poids
Contrairement aux personnes souffrant d’anorexie, les personnes souffrant de boulimie ont souvent un poids normal ou sont en surpoids.
La perception que les personnes atteintes de boulimie sont minces reflète un manque de connaissances sur la maladie : en fait, il est probable que la personne atteinte de boulimie expérimente des variations de poids tout au long de sa vie en fonction de la phase du trouble. Par exemple, pendant la phase du jeûne, la boulimie peut provoquer une perte de poids soudaine.
Comment surmonter la boulimie
En ce qui concerne les cas les plus sévères, lorsque les conséquences de la boulimie risquent de mettre en danger la santé de la personne, il est probablement nécessaire d’envisager une admission dans un hôpital ou un centre spécialisé.
Guérir la boulimie est possible, mais il est nécessaire de recevoir un diagnostic et agir en temps voulu : une étude de l’APA montre que près du 50 % des patients ayant suivi un traitement ne rechute pas à long terme.
La thérapie pour la boulimie entraîne normalement une approche multidisciplinaire et l’intervention de plusieurs professionnels : des psychologues du comportement alimentaire, des nutritionnistes et, si nécessaire, des psychiatres et des médecins.
La psychothérapie cognitivo-comportementale améliorée (CBT-E) est la plus conseillée pour essayer de surmonter la boulimie : d’après une étude qui a analysé l’efficacité de plusieurs approches (Poulsen et al., 2014), 42 % des patients qui ont suivi la CBT-E n’a pas connu des nouvelles crises de boulimie à partir des cinq mois après le début du traitement.
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) entraîne aussi la réalisation d’un journal alimentaire permettant de suivre ce qui a été mangé et de prendre conscience des émotions. En plus de la TCC, la thérapie de groupe et la thérapie familiale se sont également avérées très utiles pour le traitement de la boulimie.
Il est aussi recommandé d’accompagner la psychothérapie d’une thérapie médicamenteuse, sous strict contrôle médical, avec des médicaments spécialement indiqués pour traiter la boulimie, qui permettent d’intervenir sur les niveaux de sérotonine de l’organisme.
Enfin et surtout, le soutien d’un nutritionniste spécialisé en TCA peut aider la personne à modifier ses habitudes alimentaires, à adopter une attitude saine face aux aliments et à savoir, par exemple, ce qu’elle doit faire après un accès hyperphagique.
Les troubles du comportement alimentaire et la thérapie familiale
Les troubles alimentaires ont un impact profond chez les personnes qui vivent à côté des patients, tels que les membres de la famille, qui ne peuvent pas éviter d’avoir des sentiments contradictoires, de tension et de frustration.
Le psychiatre Gerald Russell a fait une comparaison entre deux types de thérapie : celle individuelle et celle familiale. Russell a observé que la thérapie familiale réduit le taux de rechute parmi les patients atteints de boulimie depuis moins de trois ans et ayant moins de 18 ans.
On sait désormais que la famille, toute seule, ne peut pas causer le trouble alimentaire. Cependant, certains modes d’interaction familiale peuvent influencer son développement et, donc, contribuer au maintien ou à l’aggravation du trouble ; ou, au contraire, favoriser l’amélioration. En particulier, les aspects qui semblent avoir un impact négatif sur le traitement sont notamment :
- les critiques,
- l’hostilité, et
- les familles avec des limites peu définies qui ne promeuvent pas l’autonomie au sein de la famille.
Comment aider une personne atteinte de boulimie
Si vous pensez qu’un proche souffre de boulimie, que ce soit un membre de la famille ou un ami, vous pouvez essayer de lui offrir votre soutien.
Étant donné que la personne souffrant de boulimie a souvent honte, il est conseillé de commencer par parler avec elle en privé et de l'encourager à s’adresser à un professionnel spécialisé. Il n’est pas toujours possible de guérir la boulimie sans aide : se rendre chez un spécialiste, aussi bien que demander de l’aide psychologique en ligne, peut contribuer à améliorer le bien-être.
Dans l’hypothèse où un enfant est atteint de boulimie, il est important que les parents ne se culpabilisent pas et qu’ils ne se sentent pas responsables des crises de boulimie de leurs enfants, afin d’éviter d’alimenter le cercle vicieux.
Quelques conseils utiles pour interagir avec une personne atteinte de boulimie
Comment doit-on se comporter face à une personne luttant contre la boulimie ? Voici quelques conseils que vous pouvez suivre :
- Encourager la personne à demander de l’aide professionnelle : dans la plupart des cas, il peut s’avérer difficile pour les personnes atteintes de boulimie de vouloir entamer un traitement, car certains patients ne considèrent pas les TCA comme un vrai problème et sont réticents à un possible changement.
- Éviter les commentaires négatifs : il est nécessaire d’avoir à l’esprit que certains comportements, tels que les accès de gloutonnerie ou l’activité physique intense, sont une manifestation du trouble et ne dépendant pas de simples choix personnels ou de « caprices ».
- Partager des témoignages de personnes qui souffrent ou ont souffert de boulimie peut aider la personne à se sentir plus accompagnée et à éprouver moins de honte.
- Se focaliser sur les aspects positifs de la personne tels que les relations sociales et les ressources, sans faire des commentaires à l’égard de son poids ou de sa forme physique.
- Éviter les jugements, les menaces, les réactions hostiles et l'agressivité.
Certains comportements familiaux ont souvent leur origine dans une interprétation erronée des symptômes de la boulimie, ce qui entraîne le risque d’intensifier les émotions de culpabilité et de honte chez le membre de la famille expérimentant le malaise ; et d’aggraver les comportements dysfonctionnels.
À cet égard, les émotions et l’alimentation sont étroitement liées dans la boulimie, aussi bien que dans tous les troubles alimentaires. Il est donc important de comprendre, tout d’abord, comment être présent émotionnellement pour la personne qui traverse un moment aussi fragile de sa vie.